• Discours de M. Vernet

    Maire et Conseiller général

            « Messieurs,

            Après l’émouvante et patriotique cérémonie de la matinée, la municipalité de Saint-Julien Chapteuil avait un autre devoir à remplir, celui d’exprimer sa vive gratitude à toutes les notabilités qui ont honoré de leur présence cette commémoration des morts de la commune.

            Vous avez donné, messieurs, à St-Julien Chapteuil une preuve d’intérêt et de dévouement qui sera sensible à la population entière et je suis heureux de vous assurer de sa profonde reconnaissance.

            Merci plus particulièrement à vous, notre vaillant député, M. le ministre Laurent Eynac, à vos occupations absorbantes du sous secrétariat de l’aéronautique vous avez ravi quelques instants précieux pour nous les consacrer.

            En venant présider notre cérémonie vous nous avez donné une grande preuve d’amitié nous savons et nous saurons toujours l’apprécier.

            Vous comptez dans la commune et le canton de Saint-Julien Chapteuil, de nombreuses et de fidèles sympathies. 

            Les républicains vous ont sans limites accordé leur confiance ; vous la méritez, vous le leur avez prouvé maintes fois déjà et tous ont chaleureusement applaudi à votre entrée dans les conseils du gouvernement.

            Ils voient en vous un représentant qui les honore et qui honore aussi son pays, dont les robustes qualités celle de notre race montagnarde, sont appréciées à leur valeur dans les sphères politiques.

            Ils sont heureux de vos succès parlementaires et je réponds à leurs sentiments en faisant ici les meilleurs vœux pour votre avenir ministériel.

            La commune et le canton de Saint-Julien vous restent fidèles car vous savez que nos citoyens de la montagne sont difficiles dans leur choix, mais aussi quand ils se donnent, ils se donnent tout entiers et pour toujours.

            A cet hommage, je suis heureux d’associer M. Francisque Enjolras, sénateur de la Haute-Loire dont la serviable amabilité et le dévouement sont connus de tous. C’est souvent que nous faisons appel à son concours et si nous n’hésitons pas à nous adresser à vous, M. Enjolras, c’est parce que nous savons que votre concours nous est entièrement acquis et que rien de ce qui intéresse nos populations, nos communes, et le canton ne vous laisse indifférent et que nous avons en vous un zélé défenseur de nos intérêts.

            M. le préfet, les occasions sont rares qui amènent dans notre commune le représentant du gouvernement de la République aussi votre présence nous a-t-elle été particulièrement agréable.

            En venant au milieu de nous vous n’avez pas seulement voulu remplir un devoir, vous avez obéi à vos sentiments personnels, à votre amitié pour les représentants de nos communes et du canton et je suis bien placé pour avoir pu dans maintes circonstances apprécier votre dévouement à l’égard de nos populations, je suis heureux de pouvoir ici vous en remercier sincèrement et du fond du cœur.

            Notre reconnaissance s’adresse aussi à mon ami M. Victor Pagès, président du Conseil général qui depuis si longtemps représente le canton d’Allègre à notre assemblée départementale. En saluant sa présence, je salue la majorité républicaine du Conseil général qui l’a appelé à présider ses travaux.

            J’aperçois au milieu de nous M. Chamard délégué par M. Boyer, président de la Fédération des mutilés de la Haute-Loire, dont nous connaissons tous le dévouement et l’amabilité. Nous honorons en lui les vaillants mutilés de la guere et nos frères poilus.

            Je remercie aussi les membres du comité d’érection du monument, les fonctionnaires, les délégués des sociétés des combattants et les nombreux amis qui ont voulu s’associer à l’hommage de reconnaissance envers leurs frères d’armes et à la manifestation de sympathie envers nos élus.

            Je me garderai bien d’oublier M. Habouzit, notre conseiller d’arrondissement et les maires du canton, mes collègues qui entretiennent avec leur représentant au Conseil général les rapports les plus cordiaux, ils savent qu’ils peuvent toujours compter sur mon dévouement le plus absolu. Leur présence à ce banquet scelle l’union étroite de tous les représentants du canton autour de leurs représentants républicains.

            A cette union, je lève mon verre, en exprimant qu’elle soit solide et durable.

            Dans un même hommage j’associe tous nos invités, la commune et le canton de St-Julien-Chapteuil, et le gouvernement de la République. »


    votre commentaire
  • Il fut servi sous la halle qui occupe le rez-de-chaussée de la mairie. Cette salle improvisée avait reçu pour la circonstance un décor de guirlandes et de verdure d’un gracieux effet. Des tentures fixées aux ouvertures tamisaient la lumière et l’ardeur des rayons du soleil et entretenaient une atmosphère de fraîcheur particulièrement appréciée des convives. Plus de 200 personnes y prirent part.

            M. Laurent Eynac, sous-secrétaire d’Etat à l’aéronautique, présidait. Il avait à ses côtés : MM. Francisque Enjolras, sénateur ; Vernet, maire et conseiller général de Saint-Julien ; Périès, préfet de la Haute-Loire ; Victor Pagès, président du Conseil général.

            A la table d’honneur avaient encore pris place MM. Habouzit, conseiller d’arrondissement maire de Lantriac ; tous les maires du canton ; M. Martin-Binachon, industriel à St-Didier-la-Séauve, ancien conseiller général : Volle, secrétaire de M. Laurent Eynac ; Chamard, président des combattants de la Haute-Loire ; Thonat, président de la section des combattants de Saint-Julien ; Terrasse, ingénieur-adjoint des travaux publics à St-Julien ; Jamon, juge de paix, etc.

            Dans la salle, outre les membres du conseil municipal de St-Julien, de nombreux combattants, des citoyens de St-Julien et des diverses communes du canton.

            Le menu, copieux et fort bien préparé, faisait le plus grand honneur à l’hôtel Roubin-Vérot et lui mérita les meilleures félicitations.

            Au dessert, les discours suivants ont été prononcés :

      

      

      

      


    votre commentaire
  • M. Paul Périès, préfet de la Haute-Loire, exalte les vertus des enfants de St-Julien tombés au champ d’honneur. Au nom du gouvernement de la République, il salue les mutilés et les combattants de la grande guerre et assure les veuves et les orphelins de nos héros de toute la sollicitude des pouvoirs publics.

     

    Discours de M. Francisque Enjolras

    Sénateur de la Haute-Loire

    « Mesdames, Messieurs,

    A l’heure où j’ai sous les yeux les noms de ceux qui sont morts pour la Patrie, je ne puis empêcher ma pensée de se reporter à quelques années en arrière vers l’époque de la mobilisation, et je revois les vôtres descendant les pentes de nos montagnes, tantôt groupés, tantôt isolés pour se rendre à la gare où ils s’embarqueraient pour l’inconnu. Je revois leurs figures quelques peu étonnées par la soudaineté des évènements et aussi par l’émotion de la séparation, mais quel calme, quelle assurance. Ils allaient simplement, résolution défendre la terre sur laquelle ils étaient nés, et avec elle tout ce qu’un Français a de plus cher.

    C’étaient bien les dignes descendants de ces anciens combattants de 70. Ils étaient nés dans des maisons où, depuis longtemps, le culte de l’honneur fut une tradition jamais interrompue.

    Dès leur enfance, ils avaient eu sous les yeux l’image de nos plus pures gloires militaires.

    Bien souvent les anciens avaient fait devant eux le récit de leurs exploits. Souvent aussi leur cœur avait tressailli aux accents des chansons patriotiques, qui terminent presque toujours nos fêtes de famille.

    A l’école on les avait nourris de ce que l’espoir français a produit de plus noble et de plus haut.

    Bref, je le dis à leur gloire, leurs parents et leurs maîtres avaient su faire passer dans l’âme de ces enfants l’amour sacré de la Patrie, dont eux-mêmes étaient animés.

    De leurs exploits, je ne vous dirai rien, vous les connaissez mieux que moi. De la mer aux Vosges, faisant corps avec cette terre qu’ils connaissaient bien pour l’avoir si souvent arrosée de leur sueur, avec une énergie farouche, ils ont défendu pied à pied le sol sacré de la patrie.

    Ils ont enduré tout ce que l’homme peut endurer, ils sont morts peut-être vingt fois de misère et de souffrance avant de tomber dans une attaque, d’être écrasés dans leur tranchée, ou de succomber sur un lit d’hôpital.

    Enfants qui m’écoutez, voulez-vous rester toujours dignes du lourd héritage de gloire que vous ont laissé vos aînés ? Ecoutez de temps en temps la voix des morts. Elle vous dira, cette voix, parlant au dedans de vous : Nous avons tout donné pour que vous soyez libres, nous avons renoncé à cette tendresse humaine, à toute la joie pour que vous portiez au front l’orgueil des vainqueurs. Souvenez-vous.

    Ce qu’ils veulent nos morts, c’est revivre en vous, c’est retrouver dans vos cœurs leurs amours et leurs haines, c’est plus encore, c’est que chacun de nous soit à son poste pour travailler au relèvement de la patrie, sans lequel nous perdions tout le fruit de la victoire.

    Permettez-moi avant de terminer, d’exprimer ma plus cordiale sympathie à tous ceux qui sont venus ici, le cœur meurtri par la perte d’un des leurs.

    Vous, mon cher compatriote, qui aviez compté sur votre fils, vous madame, que la perte de votre époux laisse désemparée en présence des difficultés de la vie. Vous voilà contraints à vivre de souvenirs.

    Eh bien, rassurez-vous car votre fils ou votre époux ne sont pas morts tout à fait.

    Est-ce qu’ils meurent ceux qui ont versé leur sang pour la patrie ? Les héros ne meurent pas. »

     

    M. Laurent Eynac prenant le dernier la parole, prononce une chaleureuse improvisation qui soulève de fréquents et unanimes applaudissements.

    « C’est un pieux devoir pour un membre de la République que de présider à une telle inauguration. Ce devoir il le remplit avec empressement et il félicite le comité d’organisation et la municipalité de St-Julien de leurs efforts et de la pensée qui les a provoqués.

    Je m’incline avec respect et avec émotion, dit-il, devant cette stèle magnifique érigée par la reconnaissance. C’est un spectacle magnifique que celui qu’offrent ces communes rurales de notre département qui affirment avec éclat leur fidélité à leurs morts.

    St-Julien-Chapteuil a le droit d’être fier de ses morts. Ils ont appartenu à ces régiements d’élite qui, aux heures difficiles, ont fait vaillamment leur devoir. Partout, des rives du Rhin aux plaines de l’Yser, en Artois, en Champagne, à Verdun, en Alsace, partout les soldats de notre terre, les fils de nos montagnes furent au premier rang, et partout ils ont affirmé les qualités de notre race : un tenace entêtement, de la robustesse et de la vaillance, la persévérance dans l’effort. Pendant qu’ils faisaient vaillamment leur devoir sur le front, ici, dans nos campagnes, vieillards, femmes, enfants, rivalisaient d’entrain et d’énergie pour assurer les travaux des champs. La véritable figure de la France apparaissait alors dans le poilu et dans le travailleur de la terre.

    Cette image les jeunes générations doivent l’avoir sans cesse sous les yeux. Il faut qu’elles lisent, relisent et retiennent les noms des enfants de la commune qui sont gravés sur cette stèle commémorative, il faut que nos jeunes gens restent fidèles à la leçon des morts, à celle des combattants. C’est dans cette leçon qu’ils trouveront les forces nécessaires pour travailler à la reconstruction du magnifique édifice de la grandeur française. Ceux qui ont sauvé la Patrie dictent leur devoir aux générations nouvelles. »

     

    Une véritable ovation est faite à M. Laurent Eynac, dont les paroles ont profondément secoué la foule.

    Après un nouveau chœur chanté par les enfants des écoles, la cérémonie d’inauguration prend fin.

    Elle fut suivie d’un grand banquet servi sous la halle de la mairie qui avait été aménagée et décorée avec goût pour la circonstance.

     

                                                            (A suivre)

      

     Source : AD43 cote 2 pb 8 – Journal « La Haute-Loire »

    Transcription de l’article paru en juillet 1921

     

      

      

      


    votre commentaire
  • Discours de M. Vernet

    Maire de St Julien-Chapteuil

            « Mesdames et Messieurs,

            Au nom de la municipalité, au nom de toute la population de la commune de Saint-Julien-Chapteuil, je remercie le comité d’érection de l’activité et de l’heureuse initiative dont il a fait preuve pour mener à bien l’édification du monument.

            Je l’accepte ce monument, et je m’engage à le garder intact, à l’entretenir et à le léguer aux générations futures comme l’expression de notre infinie reconnaissance envers nos chers enfants morts pour la Patrie.

            En rendant hommage à ses glorieux morts, en glorifiant leurs noms, en immortalisant par ce monument leur héroïsme, leur esprit de sacrifice, leur abnégation et leur amour pour la patrie, la commune de Saint-Julien Chapteuil accomplit un pieux devoir, acquitte une sacrée dette.

            La reconnaissance et l’admiration pour ces vaillants fils de notre terre se manifestent publiquement aujourd’hui, et ils survivront à cette commémoration solennelle ; de tels sentiments sont propres à notre population laborieuse des champs, ils se développent encore davantage dans le silence du travail quotidien et pour que leurs racines soient robustes et profondes ils survivront à tous les évènements.

            Saint-Julien Chapteuil a le droit d’être fière des vaillants soldats qu’elle a donnés à la France et qui sans hésitation ont répondu à l’appel de la patrie en danger.

            Ils ont presque tous fait partie de ces divisions de fer, de ces troupes d’élite, de ces unités de choc que le grand chef gardait jalousement sous la main pour les lancer dans la fournaise au moment décisif, au moment où il fallait arracher le succès et la victoire sans songer aux pertes et aux sacrifices sanglants.

            Ils sont tombés face à l’ennemi, à l’invasion des barbares ils ont opposé le rempart de leurs poitrines, ils ont contribué à sauver la France du joug Boche et ont préparé et assuré la Victoire. Leurs noms gravés sur le marbre seront éternellement gravés dans nos cœurs.

            Aux générations présentes, à celles qui redoublent d’efforts pour tirer de la victoire les bienfaits de la paix, ils rappelleront les sacrifices sanglants de cette guerre, pour les générations qui grandissent ils seront comme le plus admirable exemple de courage et d’héroïsme dans la défense du sol sacré de la Patrie et des conquêtes morales de la France.

            Ces morts que nous glorifions aujourd’hui en présence de M. le ministre Laurent Eynac, de M. Enjolras sénateur, de M. le préfet de la Haute-Loire ; de M. Pagès, président du Conseil général, en présence encore de toutes les notabilités qui ont répondu à notre appel, les maires du canton, de leurs compagnons d’armes combattants ou mutilés de la grande guerre, de toute la population émue et recueillie autour de ce monument, ces morts, ces enfants […] je les ai vus partir soit aux premiers jours de la mobilisation soit au fur et à mesure de l’appel de leur classe.

            Les premiers quittèrent leurs champs qu’ils commençaient à moissonner, leurs femmes, leurs familles le cœur déchiré mais plein d’enthousiasme ; dans leurs chants et dans leurs paroles ils affirmaient leur confiance en la victoire, ils savaient que la France n’avait pas voulu la guerre, qu’elle était assaillie brutalement par un adversaire sauvage et fourbe, ils courraient à son secours sans hésitation, la France serait victorieuse et la guerre ne durerait que quelques mois.

            L’enthousiasme des autres fut moins démonstratif. Déjà nos campagnes souffraient des dures leçons de la guerre, déjà des foyers étaient en deuil.

            Ces jeunes soldats qui n’étaient pas préparés à la rude et difficile tâche qu’ils allaient remplir connaissaient les sanglantes hécatombes mais leur âme bien trempée les garantissait contre toute défaillance.

            Ils avaient sous les yeux le terrifiant spectacle de l’invasion, de la désolation de nos plus riches départements, et de la ligne du front, leurs regards se portaient sur leurs villages, vers leur commune de Saint-Julien, vers le toit béni de la maison de famille, vers leurs champs, et c’est dans l’amour de leur sol natal qu’ils ont puisé cette vaillance, cet héroïsme qui ont fait reculer le Boche et mérité à nos poilus l’admiration et la reconnaissance du monde entier.

            Morts héroïques de St-Julien-Chapteuil je vous salue au nom de la commune avec fierté mais aussi avec émotion.

    La population entière autour de vous honore et proclame vos noms parmi les plus beaux. Que les vôtres, que tous les êtres qui vous étaient chers trouvent dans cette manifestation solennelle l’hommage de notre gratitude infinie et de notre durable admiration.

            Honneur et gloire à nos morts, à leur famille, à la comme de St-Julien-Chapteuil. »

      

    ( à suivre...)

      

      

      

      

      


    votre commentaire
  • M. Laurent Eynac donne alors la parole aux divers orateurs :

     

    Discours de M. Thonat

    Instituteur, président de la section des combattants

     

    « Monsieur le maire,

    Mesdames, Messieurs,

    Chers camarades,

            Au nom du comité d’érection, j’ai le très grand honneur de remettre à la ville de Saint-Julien Chapteuil le monument que la piété de tous, dans un sentiment unanime d’infinie reconnaissance, vient d’édifier à la mémoire des enfants de la commune morts pour la France.

            Je remercie M. le maire, la municipalité et le Conseil municipal pour la précieuse collaboration qu’ils ont bien voulu nous accorder, pour les sacrifices qu’ils ont consentis, pour le dévouement jamais lassé dont ils ont fait preuve pour faire de notre cérémonie d’aujourd’hui un hommage grandiose digne du sacrifice de ceux dont nous évoquons pieusement la mémoire.

            C’est grâce à l’effort de tous, grâce à la collaboration de toute la population que nous avons pu élever ce monument. Je suis heureux de vous dire aujourd’hui l’accueil bienveillant que nous avons reçu partout quand nous avons recueilli les souscriptions. Il n’est pas une famille qui n’ait voulu donner son obole, ajouter une pierre à notre stèle. Les dons les plus modestes étaient parfois les plus émouvants. Que de privations, que d’heures de pénible labeur représentait souvent le billet qu’on nous offrait de si bon cœur. Que de paupières s’humectaient à la pensée de contribuer à la mémoire de nos héros !

            Vous avez tous compris la signification de notre œuvre comme vous aviez senti au plus profond de vous-mêmes l’immensité du sacrifice de ceux que nous glorifions aujourd’hui grâce à notre générosité.

            Au nom du comité d’érection soyez-en remerciés.

            Notre monument sera en effet l’attestation la plus émouvante du courage, du dévouement, de l’esprit de sacrifice des enfants de la commune. Soyez fiers de l’avoir élevé. Il nous dira sans cesse : N’oubliez pas !

            N’oubliez pas les sombres jours de la mobilisation, le spectacle de cette vaillante jeunesse qui après avoir donné un dernier baiser à la femme, aux enfants, aux vieux parents, partit sans forfanterie, mais avec une résolution farouche vers les suprêmes sacrifices.

            Il nous dira, ce monument, n’oubliez pas les horreurs de cette lutte gigantesque, les angoisses des mauvais jours, l’horrible vision de la défaite, l’épouvantable crainte de tomber sous le joug d’un ennemi implacable, l’inexprimable soulagement que causaient nos succès, la suprême joie de la victoire, de la délivrance.

            Il nous dira que nous devons notre liberté, notre sécurité à l’héroïsme, à l’esprit d’abnégation de tous nos soldats, mais notre hommage d’infinie reconnaissance doit aller surtout à ceux qui ont payé de leur vie la victoire du Droit, le triomphe de notre sainte cause. Il nous dira : Ne les oubliez pas !

            A vous, père affligé, mère inconsolable, veuve éplorée, petits orphelins privés du meilleur appui, ce monument dira : Souvenez-vous de l’exemple que vous ont donné ceux que vous pleurez. Redressez-vous dans votre douleur et soyez fiers d’avoir produit un tel fils, d’avoir mérité l’affection d’un tel homme, de pouvoir vous réclamer d’un tel père ! Ils furent des héros.

            Aux générations futures, ce monument dira également : N’oubliez pas !

            Enfants de la commune qui m’écoutez, il faudra que vous sachiez les noms de ces héros, que vous lisiez et relisiez avec vénération cette longue liste de plus de cent noms de vos compatriotes et dans laquelle beaucoup d’entre vous comptent un père, un frère, un parent !

            Sachez mes enfants, que c’est pour vous qu’ils sont morts, que c’est pour vous assurer une existence heureuse qu’ils ont sacrifié leur vie.

            Quand vous serez un peu plus grands, votre cœur, votre raison vous diront quelle reconnaissance vous devez à ces héros ! Vous transmettrez pieusement leur souvenir aux générations futures, vous ne souffrirez pas que quelqu’un passe indifférent devant son long nécrologe. Ils nous ont donné le plus bel exemple de courage d’opiniâtre ténacité, de dévouement à la patrie.

            Cette leçon des morts, mes petits amis, ne l’oubliez jamais ! Soyez prêts à marcher sur leur trace s’il le fallait !

            N’oubliez pas qu’il existe une nation de proie dont les dirigeants ont déclenché le plus épouvantable cataclysme qu’ait connu l’humanité, qui vous a privé d’un père, d’un frère, d’un parent, qui a fauché la plus belle jeunesse française ! Ne l’oubliez pas !

            Et nous, mes chers compagnons d’armes, que nous dira ce monument ?

            Je connais l’émotion qui fait vibrer tout votre être. Je l’éprouve moi-même ! En traduisant mes sentiments, j’espère être votre interprète. N’est-ce pas qu’ils seraient fiers nos glorieux morts s’ils voyaient aujourd’hui l’hommage unanime de leurs compatriotes ! Ils seraient heureux de voir qu’on a senti l’immensité de leur sacrifice et que ce n’est pas en vain qu’ils ont donné leur vie. La terre natale recueille les restes de quelques-uns de ces héros ; malheureusement tous ne viendront pas reposer parmi leurs aïeux.

            Le marbre du monument réunit ceux qui sont tombés épars pour une même cause. Nous sentirons ainsi plus près de nous, parmi nous, comme aux jours de combats ceux qu’a dispersés l’affreuse tourmente. Nous n’oublierons pas nous aussi !

            Et puisqu’il est vrai que le souvenir des morts plane sur nous, guide nos plus secrètes pensées, que nous diront ceux-ci ?

            Leur vie et leur mort parlent pour eux : Profitons de la forte leçon qu’ils nous ont donnée. Que cette bonne camaraderie, que ces solides amitiés qui sont nées en face de l’ennemi, qui se sont fortifiées à l’odeur de la poudre ne périssent jamais. Que les liens qui nous unissaient dans les combats dans les épreuves ne se relâchent pas ! Nous avons appris à nous connaître, nous avons partagé les mêmes joies, les mêmes souffrances, nos souvenirs sont les mêmes !

            Restons unis comme au front, nos morts nous y convient, ce monument nous le répète.

            Restons unis pour honorer la mémoire de nos chers morts, pour entourer leur famille de leur vénération.

            Restons uni pour un travail fécond, pour le relèvement de notre chère Patrie, pour l’avènement d’une ère toujours plus belle de Paix, de Liberté, de Justice et de Fraternité. »

    ( à suivre...)


    votre commentaire