• Vie quotidienne dans les tranchées

    [...] Dans la tranchée, nous vivions constamment dans l'humidité, la boue, la neige et, surtout, le froid. L'hiver était particulièrement rigoureux. Depuis que j'étais en première ligne, à savoir pas loin de huit jours, je ne m'étais pas réchauffé une seule fois. On avait froid au nez, aux oreilles, aux mains... nos pieds, enserrés dans des chaussures pleines d'eau macéraient, gonflaient. Il était formellement interdit de se déchausser. Il en résultait des espèces d'engelures qui s'infectaient, et les pieds geleaient. Une affection extrêmement sérieuse, qui me fit évacuer un grand nombre d'hommes, dont certains restèrent estropés pendant des années.[...]

      

    [...] Pour le moral des troupes, la qualité constante du ravitaillement en dépit des conditions difficiles a joué un grand rôle. Il cheminait par fourgons ou par wagonnets jusqu'aux cuisines creusées dans le flanc nordde la vallée. Le matériel était déposé à pied d'oeuvre, le plus près possible des cuistots. Trois fois par jour, dès le matin, on voyait ces petites bandes pittoresques de braves gars nous apporter du pain, dix boules à la fois, au moins, sur un bâton porté par deux hommes. Ils étaient également chargés de bidons de deux litres contenant du café, du vin, et de la gnôle, bien entendu. Les distributions se faisaient dans la tranchée même. Dans les moments durs, de pauvres types buvaient dès le réveil, d'un seul coup, le café chaud, le vin et la gnôle.

    - Maintenant je peux crever, disaient-ils, c'est toujous ça que les Boches n'auront pas eu.

    Vers onze heures, la soupe était apportée dans des bouthéons, par une autre équipe, souvent accompagnée du fourrier qui, lui, apportait les colis et le courrier. C'était le bon moment de la journée. Enfin, le soir, on resservait la soupe. Bien entendu, en cas d'attaque, tout ça était perturbé. Rien n'allait plus, on ne touchait à rien.

    Pendant les quatre jours qui ont suivi cette première attaque, il régna un calme relatif. On se laissait aller au plaisir de se faire un chocolat au lait condensé tout en roulant des cigarettes qu'on fumait amoureusement. Lorsque le ravitaillement était trop dangereux, on nous distribuait des boîtes de sardines à l'huile et du camembert.

    Saluons bien bas les hommes du ravitaillement, car ils nous ont permis de tenir le coup jusqu'à la victoire. Même si la sardine à l'huile espagnole et portugaise sentait l'huile de machine à coudre, même si le camembert était fait avec du lait écrémé, si bien qu'en le penchant on le voyait se gonfler et se vider pour peu qu'il y ait un trou. Enfin, c'était la guerre... [..]

    Louis MAUFRAIS, "J'étais médecin dans les tranchées".

      

    Certains jours, on donnait double ration de gnôle aux hommes pour les aider à aller à l'attaque. Les allemands faisaient de même...

      

     


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