• Inauguration - partie 4 - discours de Mr ENJOLRAS

    M. Paul Périès, préfet de la Haute-Loire, exalte les vertus des enfants de St-Julien tombés au champ d’honneur. Au nom du gouvernement de la République, il salue les mutilés et les combattants de la grande guerre et assure les veuves et les orphelins de nos héros de toute la sollicitude des pouvoirs publics.

     

    Discours de M. Francisque Enjolras

    Sénateur de la Haute-Loire

    « Mesdames, Messieurs,

    A l’heure où j’ai sous les yeux les noms de ceux qui sont morts pour la Patrie, je ne puis empêcher ma pensée de se reporter à quelques années en arrière vers l’époque de la mobilisation, et je revois les vôtres descendant les pentes de nos montagnes, tantôt groupés, tantôt isolés pour se rendre à la gare où ils s’embarqueraient pour l’inconnu. Je revois leurs figures quelques peu étonnées par la soudaineté des évènements et aussi par l’émotion de la séparation, mais quel calme, quelle assurance. Ils allaient simplement, résolution défendre la terre sur laquelle ils étaient nés, et avec elle tout ce qu’un Français a de plus cher.

    C’étaient bien les dignes descendants de ces anciens combattants de 70. Ils étaient nés dans des maisons où, depuis longtemps, le culte de l’honneur fut une tradition jamais interrompue.

    Dès leur enfance, ils avaient eu sous les yeux l’image de nos plus pures gloires militaires.

    Bien souvent les anciens avaient fait devant eux le récit de leurs exploits. Souvent aussi leur cœur avait tressailli aux accents des chansons patriotiques, qui terminent presque toujours nos fêtes de famille.

    A l’école on les avait nourris de ce que l’espoir français a produit de plus noble et de plus haut.

    Bref, je le dis à leur gloire, leurs parents et leurs maîtres avaient su faire passer dans l’âme de ces enfants l’amour sacré de la Patrie, dont eux-mêmes étaient animés.

    De leurs exploits, je ne vous dirai rien, vous les connaissez mieux que moi. De la mer aux Vosges, faisant corps avec cette terre qu’ils connaissaient bien pour l’avoir si souvent arrosée de leur sueur, avec une énergie farouche, ils ont défendu pied à pied le sol sacré de la patrie.

    Ils ont enduré tout ce que l’homme peut endurer, ils sont morts peut-être vingt fois de misère et de souffrance avant de tomber dans une attaque, d’être écrasés dans leur tranchée, ou de succomber sur un lit d’hôpital.

    Enfants qui m’écoutez, voulez-vous rester toujours dignes du lourd héritage de gloire que vous ont laissé vos aînés ? Ecoutez de temps en temps la voix des morts. Elle vous dira, cette voix, parlant au dedans de vous : Nous avons tout donné pour que vous soyez libres, nous avons renoncé à cette tendresse humaine, à toute la joie pour que vous portiez au front l’orgueil des vainqueurs. Souvenez-vous.

    Ce qu’ils veulent nos morts, c’est revivre en vous, c’est retrouver dans vos cœurs leurs amours et leurs haines, c’est plus encore, c’est que chacun de nous soit à son poste pour travailler au relèvement de la patrie, sans lequel nous perdions tout le fruit de la victoire.

    Permettez-moi avant de terminer, d’exprimer ma plus cordiale sympathie à tous ceux qui sont venus ici, le cœur meurtri par la perte d’un des leurs.

    Vous, mon cher compatriote, qui aviez compté sur votre fils, vous madame, que la perte de votre époux laisse désemparée en présence des difficultés de la vie. Vous voilà contraints à vivre de souvenirs.

    Eh bien, rassurez-vous car votre fils ou votre époux ne sont pas morts tout à fait.

    Est-ce qu’ils meurent ceux qui ont versé leur sang pour la patrie ? Les héros ne meurent pas. »

     

    M. Laurent Eynac prenant le dernier la parole, prononce une chaleureuse improvisation qui soulève de fréquents et unanimes applaudissements.

    « C’est un pieux devoir pour un membre de la République que de présider à une telle inauguration. Ce devoir il le remplit avec empressement et il félicite le comité d’organisation et la municipalité de St-Julien de leurs efforts et de la pensée qui les a provoqués.

    Je m’incline avec respect et avec émotion, dit-il, devant cette stèle magnifique érigée par la reconnaissance. C’est un spectacle magnifique que celui qu’offrent ces communes rurales de notre département qui affirment avec éclat leur fidélité à leurs morts.

    St-Julien-Chapteuil a le droit d’être fier de ses morts. Ils ont appartenu à ces régiements d’élite qui, aux heures difficiles, ont fait vaillamment leur devoir. Partout, des rives du Rhin aux plaines de l’Yser, en Artois, en Champagne, à Verdun, en Alsace, partout les soldats de notre terre, les fils de nos montagnes furent au premier rang, et partout ils ont affirmé les qualités de notre race : un tenace entêtement, de la robustesse et de la vaillance, la persévérance dans l’effort. Pendant qu’ils faisaient vaillamment leur devoir sur le front, ici, dans nos campagnes, vieillards, femmes, enfants, rivalisaient d’entrain et d’énergie pour assurer les travaux des champs. La véritable figure de la France apparaissait alors dans le poilu et dans le travailleur de la terre.

    Cette image les jeunes générations doivent l’avoir sans cesse sous les yeux. Il faut qu’elles lisent, relisent et retiennent les noms des enfants de la commune qui sont gravés sur cette stèle commémorative, il faut que nos jeunes gens restent fidèles à la leçon des morts, à celle des combattants. C’est dans cette leçon qu’ils trouveront les forces nécessaires pour travailler à la reconstruction du magnifique édifice de la grandeur française. Ceux qui ont sauvé la Patrie dictent leur devoir aux générations nouvelles. »

     

    Une véritable ovation est faite à M. Laurent Eynac, dont les paroles ont profondément secoué la foule.

    Après un nouveau chœur chanté par les enfants des écoles, la cérémonie d’inauguration prend fin.

    Elle fut suivie d’un grand banquet servi sous la halle de la mairie qui avait été aménagée et décorée avec goût pour la circonstance.

     

                                                            (A suivre)

      

     Source : AD43 cote 2 pb 8 – Journal « La Haute-Loire »

    Transcription de l’article paru en juillet 1921

     

      

      

      


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